Le Bitcoin ne devrait pas changer le monde, mais la blockchain pourrait bien s’en charger

David Glance   Director of UWA Centre for Software Practice, University of Western Australia

Publié par The conversation le  5 janvier 2016, 06:46 CET


La blockchain fonctionne comme une base de données publique ou un grand livre de compte ouvert; cette technologie enregistre les détails de chaque échange de Bitcoins. Ce qui la rend particulièrement ingénieuse c’est qu’elle est conçue pour empêcher que le même Bitcoin soit comptabilisé en double, et ce sans qu’aucun intermédiaire n’intervienne (comme une banque).



La promesse de la blockchain

 Même au début du Bitcoin, on imaginait déjà que la blockchain pourrait avoir d’autres utilisations que l’enregistrement des transactions de la crypto-monnaie. La blockchain enregistre un ensemble de données comme une date, une signature cryptographique associée à l’expéditeur et tout un ensemble d’autres éléments spécifiques. Dans le cas du Bitcoin, il s’agit notamment du nombre de bitcoins envoyés, mais ce pourrait être l’empreinte cryptographique numérique, appelée « fonction de hachage », de n’importe quel document électronique.

 

Une des toutes premières démonstrations des potentialités d’une telle utilisation de la technologie blockchain a été faite par Proof of Existence, un site web qui permet à un utilisateur de télécharger n’importe quel document et d’enregistrer son empreinte pour toujours dans la blockchain Bitcoin.

 

Cette opération permet de prouver que la personne qui a téléchargé le document avait ce document précis en sa possession à un moment donné. Cela peut aussi être utilisé pour prouver que le document n’a pas été modifié depuis ce moment.

 

Les utilisations de la blockchain

Proof of existence a été réellement pensé comme une démonstration des potentialités de la technologie blockchain. La startup Stamperya, elle, transformé ce service en une entreprise commerciale qui permet aux autres entreprises « d’affranchir numériquement » n’importe quel document électronique ou e-mail de façon à en établir la propriété et l’intégrité.

 

Il y a peu de temps, la Securities and Exchange Commission (SEC –l’organisme fédéral américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers) a approuvé l’utilisation de la blockchain comme registre de propriété d’actions par le site de e-commerce Overstock.com.

 

Overstock compte utiliser le système technologique de trading alternatif proposé par To.com pour permettre aux particuliers d’acheter et de vendre des actions. L’attrait de ce système tient au fait qu’il offre un règlement immédiat alors que les sociétés de bourse traditionnelles proposent un délai de règlement de 3 jours.

 

Les registres de transactions mis en œuvre par To.com utilisent une extension de la technologie blockchain pour Bitcoin appelée Colored Coin qui était envisagée à l’origine comme un moyen d’ajouter une fonctionnalité de « contrat intelligent » (smart contract ou exécution automatisée d’un contrat, d’une transaction) au Bitcoin. Un scénario type dans lequel cette fonctionnalité pourrait être utilisée intervient lorsqu’on envoie des Bitcoins pour acheter une maison par exemple, et où l’argent ne sera libéré que si la vente se réalise effectivement.

 

Les risques et les défis de la blockchain

 Bien que dans le cas d’Overstock le formulaire d’enregistrement de la SEC souligne les avantages d’un registre public des transactions réputé sécurisé, il met également l’accent sur des risques potentiels. Un de ces risques est le fait qu’Overstock ait choisi de rendre l’information stockée sur le registre blockchain accessible à tous, de telle sorte que les investisseurs pourraient légitimement s’inquiéter de la confidentialité de leurs participations.

 

Toutefois, le risque principal est un problème commun à toutes les applications blockchain, Bitcoin compris. En réalité on ne sait pas encore exactement à quel point le système est sécurisé et s’il existe des failles qui pourraient être exploitées par des hackers.

 

Un problème potentiel autour de la blockchain tient au fait qu’à ce jour de nombreux projets ont été mis en œuvre, tous fondés sur des approches technologiques différentes. IBM, JP Morgan, Intel et d’autres entreprises viennent de lancer l’« Open Ledger Project ». Open Ledger n’utilise pas la blockchain du Bitcoin, mais met en œuvre un schéma différent plus adapté à des entreprises souhaitant restreindre l’accès au réseau blockchain.

 

Il ne fait aucun doute que les concepts derrière la blockchain sont ingénieux et qu’ils ont été décisifs pour permettre à une monnaie digitale comme le Bitcoin de fonctionner avec quasiment les mêmes caractéristiques que celles des monnaies du monde réel. Néanmoins, quand la technologie blockchain est utilisée pour d’autres applications, il n’est absolument pas évident qu’elle puisse faire autre chose que ce qui pourrait en réalité être accompli avec d’autres technologies plus conventionnelles.

 

Les aspects sociaux plus complexes que les aspects technologiques

 Ce n’est pas la technologie qui empêche que les titres boursiers soient réglés instantanément. Ce sont les autorités de régulation qui s’y opposent et les problématiques auxquelles elles sont confrontées avec ce type de règlement sont d’ordre sociaux et légaux, et pas du tout technologiques.

 

Dans la frénésie générale qui entoure les entreprises qui travaillent sur des produits blockchain, les vrais défis auxquels doivent faire face les usages de ces produits sont souvent passés sous silence, au profit d’un objectif principal qui est de se débarrasser des intermédiaires, mais sans nécessairement remettre en perspective les aspects positifs apportés par ces intermédiaires.

 

Il est néanmoins inévitable que la technologie blockchain devienne d’ici peu une technologie dominante. L’attention qui est portée à cette technologie prouve qu’elle dispose du potentiel pour permettre le développement d’applications capables d’apporter de nouvelles solutions à de vieilles problématiques. Ce sont les défis sociaux, légaux et financiers que ces changements vont faire émerger qui pourraient s’avérer les problèmes les plus difficiles à résoudre.

 

La version originale de cet article a été publiée en anglais. Elle a été traduite par ContactDistance.

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