Loi Avenir Professionnel : quels impacts pour votre service RH ?

En libéralisant le marché de la formation professionnelle, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel incite les entreprises à faire évoluer profondément leurs politiques en matière de ressources humaines. Les services RH vont en effet être amenés à faire évoluer non seulement leur fonctionnement mais aussi les compétences de leurs équipes. Du fait de l’hétérogénéité des politiques de formation et des pratiques des entreprises, celles-ci seront impactées différemment. Aucune ne pourra cependant échapper à la nécessité de repenser en interne le rôle et la posture des équipes en charge de la formation. 3 mesures vont notamment impacter les équipes RH : la suppression de la gestion interne du compte personnel de formation (CPF) (1), l’évolution des modalités des entretiens professionnels (2) et enfin la reconnaissance de la Formation En Situation de Travail (FEST) comme modalité de formation (3).

1-       La suppression de la possibilité de gestion interne du CPF : évolution du rôle des services formation et accroissement de la charge (pour tout savoir sur le CPF pré-réforme : https://travail-emploi.gouv.fr/formation-professionnelle/evoluer-professionnellement/article/compte-personnel-de-formation-cpf)

Quelques rappels : Depuis 2014 les entreprises cotisent à hauteur de 0,2% de leur masse salariale au titre du CPF auprès d’un organisme paritaire collecteur agréé (OPCA). Cet organisme finance les formations et frais annexes pour lesquelles les salariés activent leurs heures de CPF. L’enjeu pour l’entreprise est donc d’inciter ses collaborateurs à utiliser leur CPF pour réaliser des formations, afin de « récupérer » cette cotisation sous forme de financement. Il existait jusqu’alors une possibilité pour les entreprises de ne pas verser la contribution au CPF mais de gérer en interne les fonds (0,2%) qui doivent être consacrés à son financement. Cette gestion directe permettait aux entreprises de mettre en adéquation le CPF et le plan de formation et de développer le recours au CPF pour le financement de formations.

§  Concrètement, en gestion interne, le collaborateur n’avait que peu de démarches à effectuer, se contentant généralement de valider la mobilisation de son CPF sur demande du service RH. En supprimant cette possibilité de gestion interne, la réforme rend le salarié acteur de son développement de compétences : c’est au collaborateur d’être proactif pour l’activation et la mobilisation de son CPF. Pour les entreprises ayant internalisé la gestion du CPF l’impact est conséquent. Afin de continuer à recevoir des financements de formations à hauteur de leur cotisation CPF, celles-ci devront désormais assumer un rôle de sensibilisation des collaborateurs à l’activation de leur compte CPF et à l’utilisation de leurs heures.

 

§  Deux autres mesures de la loi, qui concernent toutes les entreprises, vont augmenter la charge liée aux demandes de financement :

?         les salaires des collaborateurs en formation au titre du CPF ne pourront plus être financés par l’enveloppe du CPF

?         la cotisation employeur au titre du CPF aujourd’hui à 0,2% est susceptible d’augmenter

 

§  De manière générale, les échanges entre l’employeur et le salarié devront s’intensifier afin qu’ils déterminent conjointement les formations à faire financer via le CPF. Ces échanges seront d’autant plus déterminants que le compte CPF ne sera plus alimenté en heures mais en euros. C’est une autre évolution phare de la réforme : la monétisation du CPF. On peut facilement anticiper que des collaborateurs jusque-là favorables ou indifférents à l’idée d’activer leur crédit d’heures CPF pour effectuer une formation à la demande de leur employeur, risquent de se montrer un peu plus regardant sur la dépense lorsque les 50 heures se seront transformées en 714€ (la valorisation des heures du CPF à hauteur de 14,28€ l’heure sera confirmée par décret). Pour rappel, le salarié a le droit de refuser d’utiliser les heures présentes sur son CPF pour se former.

La posture du chargé de formation doit évoluer vers un rôle de conseil, de sensibilisation, il doit développer une connaissance plus individualisée des besoins et appétences des collaborateurs afin de leur proposer des plans de développement des compétences adaptés à leurs projets et en adéquation avec les besoins de l’entreprise.

 

2-      L’évolution des modalités des entretiens professionnels : nouvelle catégorisation des formations et individualisation du suivi

§  Tout d’abord concernant l’entretien professionnel biennal : la réforme introduit une obligation pour l’employeur d’aborder les sujets de l’activation du CPF, des potentiels abondements de l’employeur et du CEP (conseil en évolution professionnelle : https://travail-emploi.gouv.fr/formation-professionnelle/evoluer-professionnellement/CEP ). Il faut donc former les managers afin qu’ils soient en capacité de sensibiliser les salariés à l’activation de leur CPF lors des entretiens professionnels et surtout afin qu’ils soient en adéquation avec la politique formation et les besoins de l’entreprise.

 

§  Ensuite la réforme impacte également les entretiens professionnels renforcés (qui doivent avoir lieu tous les 6 ans) : lors de cet entretien l’employeur doit s’assurer que le salarié a bien bénéficié d’un entretien professionnel a minima tous les 2 ans et d’une formation non-obligatoire dans les 6 dernières années. La sanction en cas de non-respect de ces deux conditions est d’abonder au minimum 3 000€ sur le CPF du salarié concerné.

 

§  La différenciation entre formation obligatoire et non-obligatoire est une autre évolution introduite par la réforme. Jusqu’alors les formations étaient classées en 2 catégories « actions de formation de maintien dans l’emploi » et « actions de formation de développement des compétences ». L’enjeu pour la branche ou l’entreprise est de déterminer la liste de ces formations obligatoires, définies comme une « action qui conditionne l’exercice d’une activité ou d’une fonction, en application d’une convention internationale ou de dispositions légales et réglementaires ». Il faudra également veiller à ne pas étiqueter comme « obligatoires » un trop grand nombre de formations au risque de ne pas respecter le critère de l’entretien professionnel renforcé.

 

Conséquences majeures, les services formation vont devoir accentuer le suivi individualisé des collaborateurs afin de s’assurer qu’ils ont tous bénéficié de cette formation non-obligatoire dans les 6 dernières années car la sanction financière est élevée.

 

3-      La reconnaissance de la Formation En Situation de Travail (FEST) comme modalité de formation : nouvelles opportunités de financement et nouvelle charge administrative

« Art. L. 6313-2 du code du travail - L'action de formation se définit comme un parcours pédagogique permettant d'atteindre un objectif professionnel. 

·        Elle peut être réalisée en tout ou partie à distance. 

·        Elle peut également être réalisée en situation de travail. »

 

Jusqu’alors seules les formations en présentiel ou à distance entraient dans la définition légale de la formation (et pouvaient donc bénéficier de financement). La reconnaissance de la FEST comme modalité de formation est une véritable opportunité pour les entreprises qui pourront obtenir des financements pour des dispositifs de formation déjà existants. En effet la FEST n’a pas attendu la loi Avenir pour exister : ce sont toutes les actions de tutorats ou mentorats réalisées alors que le collaborateur est en activité. On peut également imaginer transformer en FEST des formations aujourd’hui réalisées en salle, et donc faire évoluer le métier même de formateur qui n’exige pas les mêmes compétences lorsque la formation se déroule de façon académique dans une salle et quand elle se déroule en situation de travail.

Nouvelles opportunités de financement mais également nouvelle charge administrative pour les services formation : pour espérer faire financer ces dispositifs il convient de les suivre de façon précise, d’identifier des objectifs à atteindre et d’y introduire une évaluation. Il faut par ailleurs redéfinir les frontières entre animation et formation : par exemple une animation commerciale sur un plateau de vente à distance pourrait-elle entrer dans le champ de la FEST ?

 

Concrètement on fait comment ? On anticipe ! L’accompagnement au changement doit commencer par une appropriation des principales mesures de la réforme par vos services RH et formation afin qu’ils soient eux-mêmes en mesure de répondre aux sollicitations des managers et collaborateurs sur ce sujet. Dans un deuxième temps il faut envisager de redéfinir les fiches de poste des chargés de formation dont les prérogatives s’élargissent et les former à la nouvelle posture de conseil individualisé qu’ils devront adopter. Enfin l’augmentation de la charge administrative, l’individualisation des parcours de formation, l’apparition et la disparition de certaines activités peuvent vous amener à repenser l’organisation de votre service formation et/ou RH

 

Une bonne nouvelle pour terminer : les modalités administratives du contrat d’apprentissage sont simplifiées, c’est toujours une charge en moins !

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