Vers une transformation des espaces de travail et des modes de collaboration

A l’heure du déconfinement et des protocoles sanitaires, les entreprises n’en finissent plus de s’interroger sur l’avenir de leurs bureaux et des espaces de travail digitaux. Pour alléger les contraintes sanitaires et par souci d’économies immobilières, la tentation existe de pérenniser le télétravail à grande échelle, malgré le manque de recul et la rareté des bilans complets sur le sujet.

Nous avons observé chez nos clients le déploiement soudain et non planifié du télétravail, et nous avons complété ces observations en réalisant une série d’entretiens qualitatifs avec des directeurs du secteur tertiaire. Il en ressort que télétravail a eu des effets positifs indéniables, mais qu’il reste une réponse improvisée à une situation de crise, avec des inconvénients qui se font de plus en plus sentir dans la durée. 

 

Du coté des avantages on note : 

  • Un gain de productivité réel sur certaines activités : travaux répétitifs, activités de réflexion individuelle (programmation informatique complexe, écriture créative …), téléassistance, voire certaines activités commerciales en réseau physique quand les commerciaux savent s’approprier les bénéfices du commerce en ligne.
 Des gains à pérenniser : améliorations locales de productivité, allègements de procédures, gains en qualité de vie pour certains salariés…  
  • Des allègements de procédures inédits, qui permettent de redémarrer avec un gain en efficacité tant en opérations que dans la gestion des projets.
  • De vraies satisfactions, concernant notamment l’implication des collaborateurs et de leur capacité à se mobiliser pour l’entreprise, même au prix d’importants sacrifices personnels.
  • Un gain en qualité de vie pour certains salariés, notamment pour les cadres bien installés dans leur carrière, dont le réseau professionnel est constitué, qui maîtrisent les outils de communication et disposent d’une pièce dédiée chez eux.


Du côté des inconvénients 

  • Des pertes de productivité sur certains travaux 
    (essayez de répondre à plusieurs à un appel d’offre complexe sans que les différents participants puissent se rencontrer !),
     

 … avec à terme un risque de prix économique et social lourd en cas de généralisation précipitée !

 
 
 
 
 
 
  • Une réduction drastique de certaines activités non essentielles à court terme mais indispensables au développement de l’entreprise : résolution de problèmes, ateliers de créativité collective, rédaction de documents à plusieurs, conduite de projets transverses …
  • Une réduction de la communication informelle : à distance il n’existe pas de communication non planifiée ! Difficile de télétravailler dans la durée sans risquer un cloisonnement de l’entreprise …
  • Une déstructuration de certaines équipes : chute de motivation, « disparition » de certains collaborateurs moins à l’aise avec la communication, éloignement du collaborateur par rapport à l’entreprise. Symétriquement, certains managers insuffisamment préparés au suivi à distance ont pu céder à la tentation du micro-management pour se rassurer sur la productivité.
  • Des difficultés spécifiques pour les jeunes collaborateurs, qui doivent constituer leur réseau au sein de l’entreprise, observer leurs ainés en situation de travail, acquérir les codes de leur profession, et qui de surcroit disposent souvent de logements plus exigus et moins adaptés. Par ailleurs, on s’aperçoit que les jeunes générations sont certes « digital natives » mais que cela ne se traduit pas toujours par une bonne maîtrise des outils digitaux professionnels, et des codes sociaux qui y prévalent


A ces observations s’ajoutent quelques considérations émergentes avec le déconfinement :

  • Les locaux ne sont utiles que si on s’en sert, et souvent ! Or quand le télétravail devient une alternative le bureau peut manquer d’attractivité : lors du déconfinement certains collaborateurs ont eu l’impression d’ « aller télétravailler au bureau » tellement le taux de présence était faible… Difficile au-delà de 1,5 à 2 jours de télétravail par semaine d’entretenir une vie collective réelle : risque de perte de transversalité, constitution de réseaux cloisonnés (l’entreprise du lundi-mardi vs celle du jeudi-vendredi…) L’organisation de la présence devient une équation à inconnues multiples, avec une complexité supplémentaire pour le manager.
  • Le télétravail permet à l’entreprise d’économiser les mètres carrés en transférant le coût vers le salarié ! On peut donc s’attendre à ce que les collaborateurs disposant d’un pouvoir de négociation s’en servent (« j’ai besoin d’aménager mon espace de travail à domicile voire d’un espace supplémentaire, combien me paie-t-on en plus pour ça ? ») ; pour les autres, télétravail à grande échelle pourrait rimer avec pénibilité, baisse de qualité de vie, voire désocialisation.
  • L’éloignement physique entraîne un risque d’affaiblissement du collectif et de l’attachement à l’entreprise… qui ont pourtant été des atouts majeurs pour surmonter la crise !
    A cet égard une extension mal maîtrisée du télétravail risque de modifier la relation « entreprise – salarié », vers une relation « à la tâche » au détriment du sentiment d’appartenance.
  • Le déconfinement a révélé par endroits une vraie baisse de l’engagement, on peut donc s’attendre à voir réémerger la question toujours désagréable du contrôle du temps de travail. L’autocontrôle qui donnait satisfaction en télétravail expérimental et volontaire ne suffira peut-être plus en cas de généralisation, surtout imposée. Par manque de recul il est difficile de se faire une opinion tranchée sur ce sujet mais il faut y prêter attention.

 Enfin, on peut s’interroger sur l’avenir des « tiers lieux » : co-working, espaces éphémères… Pour l’heure nous ne voyons pas de facteur nouveau incitant les grandes entreprises à aller davantage vers ce type de solution. L’avenir dépendra de la créativité des entrepreneurs du secteur pour proposer de nouvelles offres.

Ces observations, capitalisées chez nos clients, ont forgé nos convictions pour les entreprises qui lancent dans une réflexion sur l’avenir des espaces de travail et sur les modes de collaboration associés :

  • Malgré la pression financière, mieux vaut éviter de se lancer trop vite dans des options qui ne seraient pas facilement réversibles. L’entreprise doit impérativement commencer par un retour d’expérience de la période de crise (confinement, déconfinement), en faisant participer les collaborateurs et en se posant toutes les questions : stratégiques, opérationnelles, commerciales, managériales, sociales, technologiques.
  • Une fois le bilan tiré, toute démarche doit se poursuivre par la description des cas d’usage auxquels les espaces de travail devront satisfaire. A cet égard le design thinking permet de partir sur une modélisation de la journée ou de la semaine type des acteurs, qui sert ensuite à modéliser le fonctionnement cible et à dimensionner les dispositifs à mettre en place.
Les projets de pérennisation présentent de multiples facettes et demandent une appréhension à 360° des enjeux  
  •  De ces cas d’usage découle un modèle opérationnel adapté, personnalisé, assorti de recommandations concernant les aménagements et la logistique.
  • Un maquettage permet de tester auprès de collaborateurs réels leurs modalités de travail futur : ne pas hésiter à faire des « bureaux en carton » en taille réelle pour permettre aux équipes de se projeter, de proposer des variantes, de s’approprier.

 

  • Nous sommes dans une configuration inédite, donc seul un usage réel, dans la durée, permettra de valider les dispositifs. Mieux vaut privilégier des aménagements à coût limité, rapides à déployer, avec des options et un potentiel d’évolution. Mieux vaut également planifier dès le début une phase de retour d’expérience et d’ajustement au bout de 6 mois à un an. 
  • On ne surestime jamais l’influence des espaces de travail sur les modes de collaboration : les entreprises doivent se préparer à conduire le changement à grande échelle, la co-construction avec les collaborateurs est donc un aspect méthodologique incontournable.
  • Afin d’éviter les idées séduisantes mais qui mènent à des impasses, l’entreprise se doit privilégier les considérations pratiques pour faire vivre le nouvel équilibre (à distance, sur site), dans une logique du « Pas partout pareil » et « pas tout le temps pareil » !
  • Enfin, il revient aux managers de faire vivre le changement dès à présent, dans un contexte où leur rôle et leur métier vont continuer d’évoluer de façon importante. Le confinement leur a fait toucher du doigt (pour la plupart…) la distance à parcourir, à l’entreprise maintenant de leur donner les moyens de réussir.

            
         Vous souhaitez aller plus loin ?  Rencontrons-nous

Retour haut de page